Trait d’union n°6 – Interview croisées sur le thème de l’inclusion

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Interview croisée de Cécile Père, psychologue du travail et référente handicap au sein d’une agence Pôle emploi et Frank Geis, psychologue du travail et de l’orientation, responsable Ohé 75 – Service de l’association UNIRH 75

Pour vous, quels sont les leviers d’une société plus inclusive ?

Cécile PERE :
Selon moi, tout devrait se jouer dès la petite enfance ! 
Pour une société inclusive, il faudrait une éducation inclusive. Le regard des adultes sur le handicap serait différent s’ils avaient été scolarisés avec des enfants en situation de handicap.
La loi handicap de 2005 – portant notamment sur la scolarité – ne suffit pas : il faudrait intégrer les enfants en situation de handicap en école ordinaire dans toutes les classes dès l’école maternelle.
Au Danemark par exemple, 96% des élèves en situation de handicap doivent être scolarisés en milieu ordinaire.
La France devrait s’en inspirer.

Frank GEIS :
Le terme d’inclusion est au cœur de la loi de février 2005 sur le handicap. Il ne s’agit plus de parler “d’intégration”, qui suggérait l’adaptation d’individus “différents” à un système dit “normal” mais bien “d’inclusion” dans le sens où la diversité des situations est normale, handicap ou pas.
Comme tout changement de fond de notre société, l’évolution des représentations s’opère sur de nombreuses années.
Aujourd’hui, en 2020, un grand travail de sensibilisation pour une approche plus inclusive reste encore à faire mais les choses sont en bonne voie.
Le meilleur levier pour une évolution favorable de la société est sans aucun doute l’expérience. Une expérience de recrutement d’une personne en situation de handicap réussie est parfois cent fois plus efficace qu’un long discours.

Le taux de chômage des personnes en situation de handicap est deux fois plus élevé que la moyenne nationale. Selon vous, quels sont les « chantiers » à investir pour favoriser  l’emploi des personnes en situation de handicap ?

 Cécile PERE :
De nombreux préjugés persistent autour du handicap. Ainsi, il faut sensibiliser les employeurs au handicap, ce que fait déjà Cap emploi notamment.
Le handicap ce n’est pas seulement une personne en fauteuil roulant, loin de là ! Et les salariés en situation de handicap ne sont pas plus fainéants que les personnes valides.
Par ailleurs, il faut continuer de former les professionnel·le·s de l’insertion, de l’accompagnement au projet, ou de la formation, etc. au handicap (la loi de 2005, la RQTH*, les différents types de handicap, les différents dispositifs existants, etc.).
Le « handicap » reste encore une notion nébuleuse pour beaucoup d’entre eux.
*RQTH = Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé
 
Frank GEIS :
Les personnes en situation de handicap rencontrent plus de difficultés en matière d’insertion professionnelle pour plusieurs raisons :

  • Un manque de qualification plus important que pour la population en générale
  • Une discrimination à l’embauche, conséquence de préjugés persistants
  • Des freins à la mobilité

Les réponses à cette situation sont multiples mais nous pouvons  distinguer au moins deux pistes pertinentes :

  • Renforcer la qualification des PSH en facilitant l’accès à la préqualification et à la qualification. L’Agefiph agit en ce sens, notamment avec son soutien au plan de l’alternance de l’Etat, par des aides dédiées aux contrats d’apprentissage et de professionnalisation.
  • Continuer le travail de sensibilisation et de déconstruction des fausses représentations liées au handicap auprès des employeurs. L’accompagnement des entreprises par des spécialistes du handicap en est le levier majeur.

 

Les entreprises ont un rôle à jouer dans le recrutement et le maintien dans l’emploi des «PSH». Quels conseils peut-on leur apporter ?

 Cécile PERE :
Les entreprises peuvent solliciter Cap emploi pour être accompagnées dans le recrutement et le maintien dans l’emploi des personnes en situation de handicap.
Cet accompagnement permet la mise en relation entre les employeurs et les personnes en situation de handicap, et d’être orienté vers les aides et dispositifs existants.
Les Cap emploi sont présents dans chaque département.
Frank GEIS :
Le handicap est, par définition, un sujet vaste et souvent “technique”.
Le meilleur conseil à donner est de ne pas rester seul pour appréhender le sujet.
Il faut se faire accompagner afin de bénéficier des multiples ressources existantes pour trouver des solutions et réussir l’inclusion des personnes en situation de handicap.
L’acteur majeur du dispositif handicap est le Cap emploi qui a pour rôle d’accompagner les entreprises sur l’ensemble des questions en lien avec le handicap.

Parler de sa situation de handicap en entreprise, ce n’est pas toujours évident.  Comment communiquer et à quelles personnes s’adresser ? 

Cécile PERE :
Au moment de la candidature, « RQTH » ou « travailleur handicapé » sur un CV peut  malheureusement effrayer le recruteur.
Toutefois, ces informations peuvent être précisées sur le CV si l’offre d’emploi mentionne une priorité aux « bénéficiaires de l’obligation d’emploi ».
Je conseille généralement aux personnes présentant un handicap ou une problématique de santé, de toujours parler en termes de limitations de santé (ce qui m’est difficile de faire) ou contre-indications médicales (ce que je ne peux pas faire). Mais il faut également, en complément, toujours mentionner ce qui est le plus important : ses compétences et ses atouts !
Les PSH peuvent parler de leur reconnaissance de handicap si elles en possèdent une (telle que la RQTH) au recruteur ou à l’employeur, au moment du recrutement ou de la prise de poste. En revanche, il est bien évidemment déconseillé de parler de sa maladie, de son handicap, de son traitement, de l’origine du handicap ou de la maladie, etc. au recruteur. Cependant, toutes ces informations doivent être communiquées au médecin du travail.

Frank GEIS :
Communiquer sur son handicap en entreprise n’est pas une obligation mais cela s’avère parfois nécessaire. Il est primordial de toujours aborder le handicap positivement. Parler de ce qu’on peut faire plutôt que ce que l’on ne peut pas faire. Il faut éviter les termes médicaux et parler en termes de conséquences du handicap. Recentrer la communication sur le besoin de compensation ou d’aménagement, qui permet d’effectuer son travail comme les autres.
Il est important de rassurer aussi, tant au niveau du handicap en lui-même, parfois en déconstruisant les préjugés de l’interlocuteur, qu’au niveau de l’employeur qui peut se faire accompagner dans l’ensemble des démarches et l’accès aux aides financières spécifiques.
Au niveau de l’entreprise, on en parlera de façon privilégiée avec le médecin du travail et le référent handicap s’il y en a un et dans d’autres cas, avec son manager et/ou le collectif de travail.


ITW par Mélody NANCY, référente handicap du Centre de bilans et de VAE de Sup’Expertise

? Trait d’Union n°6 – retrouvez l’article : Interview de la directrice de l’agence Diversidées

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